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The League #10 - Born of Legend


Chapitre 4

 

   Toute amitié mourut instantanément sur le visage de Trajen Scalera. Pendant un moment, Jullien craint qu'il eu franchi la ligne et que son cerveau fonde sous les pouvoirs psioniques surhumains de cet homme.
   Mais après une longue minute, Trajen se pencha en arrière et plissa ses yeux sombres en le regardant.
   "Comment diable le savez-vous ?

   -Quelle partie ?
   -Commencez par le début.
   -Lorsque nous avons traversé les cabines, tout le monde s'est éloigné de votre chemin comme s'ils étaient terrifié à l’idée d'attirer votre attention, et sans vous offensez, vous n'êtes pas plus grand que moi et pas aussi musclé. Et vous n'êtes pas celui qui est doté de crocs. Etant évidemment Andarion, je suis celui qui terrifie habituellement les humains." Il leva son menton vers les serveurs. "La seule qui vous a abordé était la serveuse, qui savait exactement ce que vous vouliez, et c’était bon et très cher, pas cette flotte édulcorée que je bois. Et elle n'a pas demandé de paiement pour le service, ce qui signifie que vous êtes plus important que le propriétaire de cet établissement bien moins raffiné." 
   Jullien écarta les mains pour montrer la nourriture posée entre eux. "La place s’est libérée comme par magie pour vous au moment où vous êtes apparu, et pour personne d’autre… Et pas n'importe quelle table. La seule qui a une vue claire sur chaque entrée et la sortie depuis votre place, que vous vérifiez tout autant que moi. Il y a deux gardes à chaque porte, qui me surveillent et qui me jaugent pour avoir des indications s’ils doivent intervenir. Votre uniforme, tout en étant discret, est personnalisé et fait à partir des meilleurs matériaux que l’on puisse trouver. Comme vos armes et vos bottes. Et bien que je ne connaisse pas votre Blason, je reconnais le drapeau du Gorturnum quand je le vois. Quelque chose que vous n'avez pas peur d'afficher ouvertement. Il y a beaucoup de créatures dans ce bar avec qui vous pourriez perdre du temps pour beaucoup plus cher et beaucoup plus amusant que moi, cependant vous êtes allez directement à l’endroit où Ushara, m’a traîné avant de me planter ici pour être interrogé ce soir. Mettez tout ça ensemble, cela vous désigne comme la tête de nœuds de la Nation Gorturnum, voulant savoir si vous allez me permettre de de rester ou si vous allez jeter par-dessus bord mon putain de cul par le sas le plus proche.
   Trajen hocha la tête avec une grimace irritée. "Impressionnant. Qu'est-ce qui vous fait penser que je suis Trisani ?
   -Vous n'avez pas ces yeux typiques qu’ils ont, ce qui signifie que vous avez réussi à dominer la merde absolue que sont vos pouvoirs et pouvez camoufler toutes traces de votre héritage, en passant, je vous félicite à ce sujet. Je ne veux même pas savoir ce que cela vous coûte mentalement et physiquement. Mais je suppose que c'est pourquoi l'ancien mot Trisani Thaumarturgus, ou sorcier, est cousu au dessus de votre Blason. Alors que vous avez bien caché votre accent, il glisse de temps en temps sur certains mots et certaines phrases. Et comme vous, je suis un prince déchu. Peu importe combien nous essayons, nous ne pouvons pas ébranler les manières et le décorum qui nous ont été assénés depuis le berceau. Je le jure sur les dieux, je pense par moments que c'est un défaut génétique.
   -Minsid* enfer. Vous êtes toujours aussi astucieux ?
   -Quand on grandit avec tout le monde autour de soi susceptible de nous trahir, de nous mettre dans l’embarras, nous punir ou nous tuer, on apprend à faire attention aux petits détails.
   -Ce devez être l'enfer à Squerin, alors.
   -Pas vraiment. Je n'ai joué que pour les en-cas.
   Trajen se mit à rire. "Vous n'avez pas répondu à ma question. 
  -Vous n’avez pas répondu à la mienne.
   Il inclina sa bière vers Jullien. "Comme je l'ai dit, vous êtes fort. Et non. Seul mon Vice Amiral sait qui et ce que je suis. C'est quelque chose que je vous suggère de garder pour vous-même.
   -Pas de soucis. Garder les secrets est ce que je fais le mieux.
   -Et maintenant, c'est votre tour. Je sais que vous étiez un consommateur et que vous avez été tenté.
   -C’est vrai." Jullien prit plus de noisettes. "J'ai eu un moment où Korilon* m'a chuchoté à l'oreille.
   -Et ?
   -Heureusement, j'ai perdu toute faculté d’entendre de cette oreille quand mon frère m'a frappé à la tête il y a des années. Je n'ai rien entendu.
   Trajen but son verre. "Ce n'est pas une réponse.
   Jullien soupira. "Je sais. La vérité est que ça m'a pris trop de temps pour m’en sortir. Je n'ai aucun intérêt à redescendre sur cette route poussiéreuse et sans issue. Je n'ai pas aimé le caniveau où je me suis retrouvé. Je n’ai pas vraiment aimé me réveiller couvert de vomir de toute façon.
   En acquiesçant de la tête, Trajen croisa ses bras sur sa poitrine. "Je vais vous dire…Dagger. Vous restez à l'écart des problèmes, vous gardez un bon travail pour l'année à venir, et je vous parraine pour la candidature à la citoyenneté.
   Cette offre l'étourdit. "Ne tentez pas de me baiser et de me faire de fausses promesses.
   -Je ne suis pas votre grand-mère, Andarion. Je ne joue pas à ce jeu là avec d'autres. Bien que je ne sois pas sans péchés, l’absence de sincérité n'est pas l'un d'entre eux. Comme vous l'avez dit, nous sommes des princes déchus. Je sais ce que c'est que d'être sans ami, sans famille ou sans pays. Chassé et seul. Détesté et blessé. Vérifiant toutes les sorties et les entrées, sachant que le prochain arrivant peut être un assassin qui me tire dessus… ça craint. "
   Jullien serra le verre qu’il tenait en main, alors qu'il réfléchissait à l'offre de Trajen.
   Ce n'est pas comme s'il avait une pléthore de choix devant lui.
   Aucune en fait.
   Trajen prit une gorgée. "Vous savez que je peux entendre vos pensées, n'est-ce pas ?
   -Vous le faites ?
   -Ouais. Vous vous demandez pourquoi je m'en souci ou même pourquoi je voudrais vous aider alors que personne ne l'a jamais fait. Franchement ? Je n'en ai aucune idée. Je m'en fous. Je comprends c’est tout. Il y a longtemps, un Tavali m'a aidé à sortir d'une mauvaise situation, et je n'ai toujours aucune idée de la raison pour laquelle il a voulu me sortir de ce putain de bourbier alors que je n’en valais pas la peine. Mais s'il ne l'avait pas fait, je serais mort maintenant. Soit de ma main, soit de celle de quelqu'un d'autre. Vous devriez le remercier pour cela, et pour vous-même. Parce que lorsque je suis assis ici, que je vous regarde, je continue à penser à lui et à ce qu'il a fait pour moi quand une personne saine d’esprit se serait éloigné et m'aurait laissé pourrir… Et le fait que vous ayez aidé mon Vice Amiral lorsque vous n'en aviez aucune raison, et toutes les raisons de rester à l'écart. Pour ce seul acte désintéressé, vous avez racheté une chance de retrouver quelque chose de votre vie.
   Trajen fit apparaître comme par magie un badge de Tavali Gorturnum et le poussa vers Jullien. "La seule chose à propos des Tavali, c’est que nous sommes égaux au sein de notre Nation. Les seules limites ici sont celles que vous mettez sur vous-même. Vous vous levez et vous tombez selon votre propre mérite et votre fidélité. Selon personne d'autre. À partir de ce moment, votre ardoise est nettoyée. Vous n'avez pas de passé qui compte. Quelqu'un vous emmerde, il doit m’en répondre. Je ne suis pas votre grand-mère. Je ne travaille pas sur les ouï-dire ou les rumeurs. Je vous ferai confiance jusqu'à ce que vous me donniez une raison de ne pas le faire. Seulement n’abusez pas de ma confiance, car je ne vais pas vous donner une seconde chance, et votre vie est ce que je vais prendre lorsque vous la casserait. Compris ?
   -Compris.
   -Vous acceptez mes conditions ?
   Jullien hocha la tête. "Je vous remercie.
   Trajen inclina la tête vers lui. "Ne me remerciez pas. Comme je l'ai dit, je paye une gentillesse qui m'a déjà été faite. Et vous avez gagné cela pour ce que vous avez fait pour Vasili et Ushara. Continuez à prendre les bonnes décisions et vous serrez bien dans la Nation Gorturnum. Faites du mal et je vous enterrerez. "
   Et sur ce, Trajen se leva et le laissa seul avec le badge.

   Jullien le tira vers lui et déglutit. L’écusson noir avait l'image d’un crâne fantôme en train de crier. La légende disait que ce symbole de Blason avait été choisi à l'origine par les Stitches qui avaient fondé la Ligue Tavalian pour représenter le son que leurs âmes avaient fait lorsqu'ils avaient appris que leur fille et son équipage avait été désigné à tort et abattu par un gouvernement corrompu qui voulait leur cargaison.
   Il connaissait ce son. Sa propre âme l'avait fait la nuit où il était au lit et avait été réveillé les cris de sa mère. Somnolent et confus, il avait quitté sa chambre, déterminé à savoir ce qui n’allait pas.

   "Matarra ? Que s'est il passé ?
   Criant de manière hystérique, elle s’était tourné vers lui pleine de vengeance. "Mon précieux Nykyrian est mort ! Ça aurait dû être toi, mais tu es trop stupide pour aller à l'école avec lui. Tu ne peux même pas y entrer ! Donc, à la place, on me laisse avec toi comme fils ! Dieu aide cet empire avec toi comme empereur !
   Atterré, il était resté là comme un simple enfant innocent, essayant de comprendre ces paroles et le chagrin qui déchirait son cœur, alors que sa mère continuait à pester contre lui. Son jumeau était mort ?
   Une agonie amère lui avait prit sa langue alors que son âme criait pour son frère. Nykyrian ne pouvait pas être mort. Ils étaient jumeaux. Ils étaient censés vivre leur vie ensemble. Pour toujours. C'était ce que faisaient les jumeaux.
   Ne devait-il pas savoir si quelque chose était arrivé à son frère ? N'étaient-ils pas censés être si proches qu'il le sentirait jusque dans ses os si son frère était mort ?
   Alors Tylie avait tourné tout son dégoût contre lui. Elle l'avait frappé si fort qu’il pouvait encore ressentir la marque de sa main.
   "Où sont tes larmes pour ton frère ? Ne ressens-tu rien pour lui ? Il était ton jumeau !"

   Pourtant, il n’avait pas pu bouger. N’avait pas pu respirer. C'était comme si tout son souffle avait été violemment expulsé de son corps.
   Sifflant entre ses dents, Tylie l'avait attrapé par le bras pour le sortir de la chambre.
   "Matarra !" S'écria-t-il en essayant d'atteindre sa mère.
   Elle s’était tourné vers lui alors que Tylie le poussait dans le couloir et lui claquait la porte au nez et la refermait.
   Alors les larmes étaient venues. Rapides et furieuses jusqu'à ce qu'il en soit malade. Il aurait voulu aller à l'école avec Nykyrian. Mais comme sa mère l'avait dit, il était trop stupide pour y entrer. Même s'il avait étudié et fait le test d'admission à trois reprises, il n'avait pas été assez bon. Il n'avait jamais été aussi bon que Nykyrian, pour n'importe quoi. Peu importe combien il avait essayé. Il avait toujours raté. Toujours le deuxième.
   "Tu oses pleurer pour ce bâtard hybride !
   Jullien avait reculé alors que sa grand-mère et sa cousine, Parisa, s’approchaient. Sachant qu’il valait mieux ne pas la laisser voir sa faiblesse, il avait essuyé ses larmes et sa respiration s’était brisé.
   "M-m-mon frère est mort.

   -Je sais. Qui l’a tué à ton avis ?
   Les yeux écarquillés d'une terreur glacée, il avait tour à tour regardé sa grand-mère puis Parisa.
   -C'est vrai", avait déclaré sa grand-mère sans éprouver le moindre sentiment. "Et si tu ne te comportes pas bien et ne fais pas ce que je dis, ce sera le fils de Parisa que je verrais sur mon trône. Tu comprends ?
   -Oui, mu tadara." Horrifié et ne ressentant aucune pensée rationnelle autre que sa survie, il avait commencé à se rendre dans sa chambre.
   -Et Jullien ?
   Il s'était arrêté pour la regarder.
   -Souffles un mot de cela à Tylie ou à Cairistiona et je te ferais enterrer dans la crypte à côté de Nykyrian. Et ta mort ne sera pas aussi indolore. Je te le promets. Tu mourras en étant tailler en morceaux, en hurlant d'agonie."

   A ce souvenir, Jullien prit une autre boisson alors qu'il tentait de rejeter sa grand-mère et ses menaces sans fin hors de son esprit.
   Ironiquement, il n'avait jamais voulu ce minsid trône. Tout ce qu'il avait voulu était du temps avec ses parents, et rester en vie.
   Il avait obtenu la moitié de ce souhait. Bien que rétrospectivement, il leur avait donné aussi sa vie. Cela ne semblait pas valoir la souffrance qu’il avait eu la plupart des jours.
   Ses pensées à la dérive, il regarda le tatouage sur son bras.
   C’était de l’Indurari.
   A travers le sang et la souffrance, nous conquérons et endurons. Hors du mal, arrive le bien. Par nos défis, nous sommes renforcés. Toujours forts. Pour toujours. C'était la légende des War Hauk et leur devise, qui était certainement mieux que celle de sa famille : mentez et assassinez pour gravir les échelons. Prenez tout ce que vous pouvez attraper. Baisez tous ceux qui se mettent sur votre chemin.

   Et alors qu’il regardait l’écusson, une autre image lui vint à l'esprit. Pour une fois, ce n'était pas l'horreur de son passé. C'était l'image d'un bel ange blond aux yeux blancs argentés et aux lèvres qui semblaient plus douce que du nectar. Avec des cheveux d’une soie la plus douce.
   Même s'il savait qu'il n'y aurait jamais rien entre eux, qu'il n'était pas digne d'une personne si implacable et belle, cela n'avait pas empêché ses fantasmes de le torturer avec un rêve qui ne serait jamais rien d’autre que ça.
   Les femelles comme Ushara avaient toujours choisi les hommes comme son frère. Des héros célèbres qui étaient respectés. Ceux qui étaient recherchés et précieux pour tout le monde. Tout le monde avait suivi Nykyrian. Ils l’écoutaient quand il parlait. Jullien était trop marqué et brisé, il l'avait toujours été. Personne ne l'avait jamais écouté. Et ses péchés passés étaient trop pénibles pour être pardonnés. Les histoires pour ceux de son espèce étaient toujours les mêmes.
   Une vie horrible. De mauvaises décisions. Une disparition soudaine à un âge précoce. Impardonnable pour tous ceux qui l'entourent.
   Les créatures comme lui n'avaient jamais été autorisées à sortir. Ils étaient toujours morts de manières horribles, soit de leur propre chef, soit par quelqu'un d'autre.
   Un chien retourne à son vomi. C'était ce que sa grand-mère avait cité et utilisé pour justifier son mal contre les autres. Pourquoi elle n'avait jamais donné à personne une seconde chance. Pourquoi elle avait toujours été si dure avec lui.
   Tu n’es qu’un moins que rien, un demi-humain sans valeur.
   Pourtant, il voulait changer. Il était sobre maintenant. N’était plus un pion ou une victime de Merrell et Chrisen, ou de Nyran. Il s'était éloigné de la domination de sa grand-mère.
   Pour la première fois, sa vie était la sienne.
   Ouais, et tu as accomplis un tel travail. Sans abri. Brisé. Errant et perdu. Affamé.
  
Il prit la bouteille, puis s'arrêta. S’il était encore un fois ivre, il savait par expérience que cela le conduirait à un combat et à une cellule.

   Belligérant quand il était sobre, il le devenait de manière odieuse lorsqu'il était ivre. Pire encore, il avait tendance à transformer sa haine de soi en actes de violence contre ceux chargés d’appliquer la loi, ou toute personne ayant une once d'autorité.
   Prend la bonne décision.
   Jullien reposa la bouteille, se leva et mit le badge dans sa poche. Avec un dernier coup d'œil sur l'alcool, il se dirigea vers son maigre logement et se mit au lit pour pouvoir se lever tôt et nettoyer son seul vêtement pour son nouvel emploi. 


    Trempé, Jullien se figea lorsqu’il entendit frapper à sa porte. Il tira son arme du comptoir près de lui avant de s'apercevoir que les assassins ne frappaient pas. Ils attaquaient tout simplement.
   Encore que…
   Personne ne lui rendait jamais visite. Cela l’obligerait à avoir un ami. Que ce que c’était que ça ?
   Convaincu que c'était une erreur, il l'ignora et finit de se rincer.
   Jusqu'à ce que ça frappe encore.
   "Jullien ?
   Son cœur s’accéléra au son de la voix d'Ushara, étouffée par la porte. Et il envoya tout son sang vers son aine.
   Zut. Il était si dur, c'était douloureux. Grognant devant une situation qui s’aggravait de seconde en seconde, il sortit de la douche et enfila ses vêtements, puis vérifia que son érection n'était pas trop évidente avant de se rendre à la porte d'entrée et de l'ouvrir. Alors qu’il souhaitait que la vue de son visage magnifique dans la lumière du couloir ne le rende plus dur et excité. Quelque chose qu'il n'aurait pas cru possible.
   "Salut." Tenant un gros sac dans ses bras comme s’il s’agissait d’un petit enfant, elle lui sourit.
   Il lui fallut une seconde que suffisamment de sang revienne à son cerveau pour pouvoir répondre à un tel accueil inattendu et amical. "Bonjour". Il fronça les sourcils. "Que faites-vous ici ? "
   Elle tendit le sac vers lui. "Je pensais que vous pourriez préférer avoir des vêtements frais à porter lorsque vous commencerez votre nouveau travail. J'ai deviné votre taille, mais si elles ne correspondent pas, le greffier m'a assuré qu'il n'y aurait aucun problème pour les échanger."
   Atterré par son cadeau, Jullien ne bougea plus. Il n'était pas habitué à ce qu’une personne lui propose autre chose que de graves difficultés. "Vous n’aviez pas à le faire.
   -Je sais. Détendez-vous, Jullien… C'est le but d'un cadeau. On ne le fait pas parce que l’on doit le faire. On le fait parce qu’on le veut."
   Ouais, et c'est pourquoi il ne pouvait pas croire que cela se passait. Personne n'avait jamais voulu faire quoi que ce soit pour lui avant. Sauf lui donner un coup de pied et l'insulter.

   Ushara hésita devant l'expression sincèrement choquée sur son beau visage alors qu'il continuait à la regarder avec une totale incrédulité. A sa tête, elle fronça les sourcils.
   "Mon Dieu, vous agissez comme si vous n'aviez jamais reçu un cadeau avant.

   -Je n’en ai jamais eu. Du moins… Pas comme ça." Sa main tremblait alors qu'il prenait le sac et que qu’une réelle appréciation brillait dans ses yeux. "Merci, amiral.
   -Ushara.
   Soudainement timide, il baissa le sac maladroitement contre sa poitrine et inclina la tête. Elle jeta un œil sur ses quartiers un peu étroit. Bien que propre, c'était si insignifiant et petit. Et bien qu'il fût émacié par la faim, c’était un grand mâle Andarion. Ce devait être dur pour lui de se déplacer dans un si petit espace de vie.
   Même ainsi, il n’émit pas la moindre plainte. En tout cas, il en était vraiment reconnaissant.
   "As-tu pris un petit-déjeuner ?
   -Euh… non. Je viens juste de sortir de la douche.
   Elle acquiesça.
   "Je m’y rendais avant mon quart de travail. Veux-tu te joindre à moi ? Je peux te montrer où se trouvent les salles à manger et les magasins dans le quartier des centres commerciaux. 

   La suspicion sillonnait son front.
   "Pourquoi es-tu si gentille avec moi quand il n'y a rien à en tirer ? Tu as déjà remboursé toute dette que tu pourrais avoir pour ce que j'ai fait pour ton fils.

   Ushara tiqua au ton de sa voix. "Je ne suis pas censé t'apprécier ?"
   Wow, ce regard déconcerté sur son visage était tout autre chose. Comment quelqu'un pouvait-il être autant étonné que quelqu'un puisse l’aimer ?
   -Tu serais la première de l'histoire à le faire.
   Elle se mit à rire, jusqu'à ce qu'elle se rende compte qu'il était sérieux.
   -Allez, Altesse. Tu as des amis et une famille qui t'aiment… non ?
   Il se frotta l'oreille dans un geste d'inconfort. "Alors j'ai dû apprendre la mauvaise définition de ce mot. Parce que j'ai toujours pensé que cela signifiait que l’on avait de l’affection pour quelque chose.
   Consternée, elle n'était pas sûre de ce qu'il fallait faire de ça. Il se moquait certainement.  
   -Personne n'a eu de l’affection pour toi, jamais ? Sérieusement ?
   -Eh bien, ils ont tous aimé une chose à mon sujet.
   -Et c'est ?
   -Mon absence.
   Ushara envisagea de le pousser à avouer qu’il mentait, jusqu'à ce qu'elle se souvienne qu'il n'avait aucune trace d'appels sur son interface.
   Aucun. Et que sa propre famille avait délivré un mandat de mort contre lui et l'avait abandonné. Il n'y avait vraiment personne dans tout l’univers qui se souciait de lui. Se penchant en l'avant, elle lui murmura à l'oreille. "J'ai de l'affection pour toi, Jullien. Viens te joindre à moi pour le petit-déjeuner… Je t'attends dehors. "
   Jullien ne pouvait pas respirer alors qu'il la regardait se retirer de ses petits quartiers et refermer la porte.
   J’ai de l’affection pour toi…
   Personne ne lui avait déjà dit quelque chose comme ça avant. Certainement personne qui possédait des formes féminines.
   Perplexe et stupéfait, il ouvrit le sac pour y trouver deux paires de pantalons noirs et des chemises grises, ainsi qu’une nouvelle paire de chaussettes. Il essaya rapidement les vêtements. Ils étaient un peu ample sur lui - quelque chose de nouveau pour lui depuis ces deux dernières années depuis qu'il était en fuite.
   Aussi loin qu’il se souvienne, il avait toujours été en surpoids. Et avait été moqué sans relâche pour cela.
   Par tous.
   Même son père. Il avait essayé de perdre du poids pour ne plus les avoir sur le dos. Mais les régimes s’étaient invariablement terminés avec lui mangeant deux fois plus et en gagnant davantage de poids. Un cercle vicieux d'abus physique et psychologique qui le poussait encore à grignoter chaque fois qu'il se rapprochait d'un miroir de quelque sorte que ce soit. D'ailleurs, des pots et des cuillères, ou toute autre chose avec une surface réfléchissante lui donnait de l’urticaire.
   Jullien tendit la main vers sa poche et en sortit son peigne brisé pour ses cheveux humides. Contrairement à d'autres Andarions, il n'avait jamais été autorisé à tresser les siens. En tant qu’enfant hybride et bâtard, il lui était interdit de rejoindre leur armée. Peu importe qu'il ait été prince ou héritier.
   Et puisqu'il ne pouvait pas être un guerrier comme sa mère, sa grand-mère avait insisté pour qu'il coupe ses cheveux plus courts que les autres mâles, juste en dessous de son col, une autre façon de bien montrer le crime de sa mère qui avait été avec un humain. Une autre façon de séparer Jullien de ses pairs et de leur rappeler à tous que Jullien n'était pas comme eux.
   Comme s'ils lui avaient laissé une chance d’oublier le fait qu'il était à moitié humain.
   En soupirant, il glissa le peigne dans sa poche et tapota son blaster ceinturé sur ses hanches. Il haussa les épaules et quitta le petit appartement pour trouver Ushara qui l'attendait juste devant la porte.

   Ushara se figea à la vue de Jullien dans des vêtements neufs. Merde, il était à croquer. Avec des traits riches et patriciens, il émanait de lui une élégance tranquille. Et en même temps, une allure juvénile. Une dichotomie séduisante d’une timidité arrogante.
   Une confiante insécurité. Son grand mâle était une contradiction ambulante.
   Et elle le trouvait complètement irrésistible.
   Avant qu'elle ne puisse s'arrêter, elle s'avança pour redresser son manteau surdimensionné autour de son corps.
   Un adorable rougissement colora ses joues noires. "Je suis acceptable maintenant, Matarra ?"
   Elle se moqua en l’entendant utiliser le mot Andarion pour mère.
   -Pardon. Je ne peux pas m’en empêcher. Vasili fait la même chose. Il écarte toujours son manteau sur le coté, et laisse une partie du col plié, une partie enfoncée… Tout comme toi.
   Son sourire s’envola alors qu'elle passait accidentellement sa main contre sa poitrine et la dureté se ses muscles à cet endroit. Elle n'était pas préparée pour la soudaine et étonnante secousse de désir qu’elle ressentit dans tout son corps. Se racla la gorge, elle repoussa cette sensation immédiatement.
   -Les vêtements sont un peu larges. Désolé pour ça.
   -Ne le sois pas. Je suis extrêmement reconnaissant d'avoir quelque chose de nouveau et de propre à porter. Il y a longtemps que je n'avais pas eu quelque chose qui ne provenait pas d'une bourse de dons de charité.
   Parce qu'un magasin voudrait une pièce d'identité pour tout achat, et ils auraient des caméras et des scanners d’empreintes qui pourraient être utilisées par les assassins pour le tracer. Des choses pour lesquelles elle n'avait pas à penser. Mais qui pourraient mettre fin à sa vie.
   -Comment as-tu survécu aussi longtemps par toi-même ?
   Il haussa les épaules.
   -Avec soin, et avec beaucoup d'habileté.
   Elle leva les yeux face à son sarcasme. Ensuite, son regard plongea vers le col de sa chemise qui tombait assez bas pour montrer à quel point ses pectoraux étaient marqués. Pire encore, ils étaient parsemés de légers poils noirs. Pas trop épais, juste assez pour être masculin et sexy, mais pas trop pour être repoussant ou grossier. Elle avait toujours été attirée par des mâles avec ce genre de poitrine. Chaz avait été glabre comme tous les Andarions.
   Mais Jullien…
   Arrête ça !
   Refoulant ses pensées, elle recula tandis qu'il enveloppait son écharpe autour de son cou. "Le premier restaurant du quartier est par là." Elle le conduisit vers le hangar à l'est. "Tu as de la chance que ce ne soit pas trop loin d'ici, et l'un de mes restaurants préférés est juste au coin. Il ne parlait pas alors qu'il semblait de traîner dans son sillage. Pourtant, elle était bien consciente de ses grandes foulées souples et séduisantes. La façon dont il gardait son pouce accroché dans sa ceinture, près de son blaster afin qu'il puisse rapidement le dégainer s’il le fallait. Il avait la tête baissée, mais il ne manquait rien de ce qu’il y avait autour de lui.
   Un vrai prédateur.
   Il lui envoyait des frissons, surtout compte tenu de sa taille massive. Debout elle-même faisait un peu plus d’un mètre quatre vingt, elle était habituée à croiser la plupart des mâles Andarion au niveau des yeux chaque fois qu'elle portait ses bottes à talons. Et elle dominait la majorité des hommes humains. Jullien faisait une tête de plus qu’elle, et la faisait se sentir petite en comparaison.
   Elle aimait ça beaucoup plus qu'elle ne le devait.
   Quand ils arrivèrent au restaurant, il la contourna pour lui ouvrir la porte afin qu'elle puisse entrer en premier.
   "Je te remercie."
   Il inclina la tête vers elle.
   Ushara salua le cuisinier et l'hôtesse alors qu'elle attrapait deux menus sur le pupitre près du registre et traçait son chemin vers sa table habituelle.
   Quand elle commença à s'asseoir, Jullien hésita. "Tu ne voudrais pas que l’on s’assoit là-bas ? Elle fronça les sourcils jusqu'à ce qu'elle comprenne pourquoi il le voulait.
   -Dos au mur où tu as une ligne de vue dégagée sur tout le restaurant, mais où personne ne peut te voir assis à la table. Tu as les yeux sur les deux portes pour savoir qui va et vient, et tu es sous la caméra de sécurité ?
   Il acquiesça.
   -Bien sûr.
   Sans un mot de plus, il débloqua son holster avant de s'asseoir dans l’alcôve et s’assura que son manteau ne l’empêchait pas d'y accéder. De même, il gardait une jambe hors de sous la table afin qu'il puisse sortir vite s'il devait le faire.
   La tristesse l'étouffa face à son hyper vigilance. "Tu ne relâche jamais ta garde ?
   -Je respire encore." Il regardait à peine le menu, sauf par de brefs coups d’œil.
   "Salut, Misha." Ushara sourit au serveur alors qu'il les rejoignait.
   -Amiral… tu as encore la première garde, je suppose. 
   -Effectivement. C'est mon ami, Dagger. Il est nouveau dans notre groupe, alors je viens te le présenter. Je crois qu'il sera bien traité ici.
   -Oh absolument. Tes amis sont notre famille. Je vais m'en assurer et le dire à Petya. Je sais qu'elle voudra bien le rencontrer. "Il sortit une tablette électronique. "Qu'est ce que je peux vous servir ?
   -Moi comme d’habitude. Dagger ?
   -De l’eau en bouteille non ouverte. Un fruit du canolay non coupé.
   Misha hésita. "Et ?
   -C'est tout.
   Ushara fronça les sourcils à cet ordre insignifiant. "Le petit déjeuner est mon petit plaisir..
   -Merci. Mais c'est tout ce que je veux. "Il remit le menu à Misha.

   En la regardant les yeux ronds, Misha rassembla ses menus électroniques et les laissa. Jullien toucha ses moustaches avant de prendre conscience de l'expression sur son visage qui devait trahir ses pensées. "Quoi ?
   -Tu ne peux pas vivre comme ça. Pas étonnant que tu sois si mince. Pourquoi n'as-tu commandé rien d'autre ?
  -As-tu une idée de combien de fois j'ai eu de la nourriture empoisonnée ou avariée ? Je suis chanceux s'ils ne crachent pas dedans.
   -Tu es le tiziran.
   -Ouais. Le tahrs le plus détesté de l'histoire d’Andaria et de Triosa combinées. Tu te rappelles ? Ils ont fait un sondage. J'ai gagné haut la main. Dix ans d'affilée sur Andaria. Si ça ne tenait qu’à Justicale Cruel et ma grand-mère, je serais probablement le roi le plus détesté de toute l'histoire Ichidienne. Ce qui est étrange étant donné que mes cousins ​​ont commis des crimes bien pires que ça. J'ai surtout agressé des objets inanimés. Je n'ai jamais violé quelqu'un ni touché le chien de quelqu'un, mais qu'est-ce-que ça peu faire ? Pourquoi la discrimination est basée sur le fait d’avoir l’alcool mauvais et causer des troubles à l’ordre public ?
   Misha apporta leurs boissons et, grimaçant, mit l'eau non ouverte de Jullien devant lui.
   -Merci." Jullien vérifia soigneusement le sceau avant de l'ouvrir.
   -Merci, Misha.
   Il hocha la tête, puis les laissa seuls à nouveau.
   Même si Jullien avait vérifié le sceau, il sentit tout de même l'eau et trempa son doigt dedans afin d’y déceler du poison ou une quelconque pollution. Ensuite, il tira un petit flacon de sa poche et fit tomber deux gouttes dans l'eau avant de mélanger.
   -Qu'est-ce que c'est ?
   -Il devient violet s'il y a un poison présent. Bleu s'il y a un paralytique. Jaune pour les hallucinogènes.
   Ushara était bouche bée. "Tu fais ça à chaque fois que tu manges ?
   -Seulement si je ne prépare pas mon repas." Il glissa le flacon dans sa poche et attendit plusieurs minutes avant de finir par boire.
   -Tu n’as pas fait cela à bord de mon vaisseau.
   -J'avais trop faim pour m'en occuper à ce moment-là. D'ailleurs, j'étais déjà sous ta garde et à ta merci. Ce n’est pas comme si tu avais pu me jeter dans un sas si tu voulais que je sois mort.
   Il marquait un point, mais quand même… "Tu as toujours été comme ça ?
   Jullien secoua la tête alors qu'il continuait à étudier son eau. "Non. J'étais suicidaire au début. Ils s’en fichaient s’ils me tuaient ou pas. Une partie de moi espérait qu’ils réussissent. La seule raison pour laquelle je m’en soucie maintenant, c'est que je ne veux pas laisser un imbécile devenir millionnaire sur mon dos parce que je me suis arrêté et l’ai laissé me couper la gorge. Qu’ils essaient, le bâtard devra le mériter et j’emmènerais une quantité égale de son cul dans la tombe avec moi. "Il lui fit un sourire en coin. "Je suis un connard contradictoire sur ce point."
   Elle se pencha en arrière alors que Misha apportait sa nourriture et la posait devant elle. Il fit une grimace alors qu'il posait le melon devant Jullien. "Voulez-vous que je vous apporte un couteau avec ça ?
   Jullien sortit le sien et l'ouvrit. "Non merci. J’en ai un.
   Misha battit hâtivement en retraite.
   Ushara étouffa un rire devant la réaction de Misha face à l’impressionnant couteau de Jullien.
   -Laisse-moi deviner… peur que la lame soit empoisonnée ?
   -C'est ce qui m'a conduit vers toi, non ?
   Encore un autre point tout à fait valable. Ushara le regarda observer attentivement la coque lisse du melon. Et par là, elle voulait dire avec soin.
   "Est-ce que quelque chose ne va pas ?
   -Je recherche des marques d'aiguille. Pour m’assurer que rien n’y a été injecté.

   Son cœur s'effondra à son ton qui énonçait cela comme un fait. C'était un miracle qu'il ait déjà mangé, compte tenu de cette paranoïa démesurée.
   Finalement satisfait, il coupa son melon. Et comme avec l'eau, il examina encore chaque morceau avant de le manger avec précaution.
   -Tu es sûr que vous ne veux pas un peu du mien ?
   Jullien hésita. Le désir affamé dans ses yeux était brûlant. "Je tuerais pour ça. Mais ça ne vaut pas la peine de devenir malade.
   Parce qu'il n'avait personne pour s'occuper de lui, et aucun moyen de demander de l'aide médicale. La première chose qu'un médecin ou une infirmière ferait était d'analyser son ADN et de le rechercher dans les dossiers médicaux. Et au moment où ils feraient cela, son mandat apparaîtrait et les informerait qu'il était un fugitif. Ils seraient obligés par la loi de le dénoncer. En raison de la façon dont il était forcé de vivre, elle prit un morceau de pain, puis le tendit vers lui. "Je serai ta goûteuse.
   Jullien se figea. Avant de pouvoir s'arrêter, il ouvrit la bouche et lui permit de lui donner une bouchée.
   Elle lui sourit chaleureusement, puis essuya son menton. "Tu vois ? C'est délicieux, n'est-ce pas ?
   Franchement ? Il n'avait goûté qu’un morceau. Tout ce sur quoi il pouvait se concentrer était combien elle était belle et combien sa chaleur le toucher le touchait au plus profond de lui-même.
   Elle tendit sa fourchette et le nourrit d’un peu de son petit-déjeuner.
   "Je te remercie.
   Inclinant la tête, elle prit elle-même une bouchée.
   Son sexe se tendit alors qu’il la regardait manger et ses pensées dérivèrent dans un endroit où il savait qu'ils ne seraient jamais. Mais il ne pouvait pas s’en empêcher. Personne n’avait jamais retenu son esprit ainsi. Tout au long de sa vie, il s'était demandé ce que ce serait d'avoir quelqu'un qui serait gentil avec lui juste pour le plaisir. Non pas parce qu'ils voulaient quelque chose ou une faveur de sa grand-mère.
   Gentil parce qu'ils l’aimaient.

   C'était ce qui l'avait rendu si méchant envers les autres, surtout à l'école. Rétrospectivement, il regrettait la manière dont il avait traité beaucoup de ses camarades de classe, en particulier Dancer Hauk. Mais il se souvenait encore du premier jour d'école lorsque Dancer était apparu et que sa mère les avait volontairement rassemblés.
   "Rappeles-toi Dancer, c’est le tahrs. Sois gentil avec lui et il pourra faire beaucoup de choses pour toi et notre famille. Je veux que vous soyez les meilleurs amis."
   Jullien donnait crédit à Endine Hauk. Au moins, elle ne s’était pas cachée à ce sujet. La plupart des autres n'étaient pas si flagrants avec leurs manières de lèche-cul. Mais aussi, elle était une cousine éloignée de sa mère. Ce genre de conneries d'auto-service courraient dans leurs gènes.
   Et à partir de ce moment-là, il avait été difficile avec Dancer. Suspicieux et froid. Ne croyant jamais que Dancer était là pour une autre raison que le fait qu’Endine lui avait demandé de tolérer la présence de Jullien.
   Mais personne n'avait dit à Ushara d'être gentil avec lui. Elle n'avait rien à gagner en étant assise ici. Il n'avait plus de liens politiques à utiliser. Pas de cordes à tirer.
   Rien.
   Elle coupa son jambon et lui en tendit. Quand il ouvrit ses lèvres, elle l’éloigna malicieusement et le mangea à sa place. "Ha ! Je t'ai eu !
   Jullien se mit à rire alors que ses yeux pâles pétillaient d'humour. En secouant la tête, il lui tendit un morceau de melon. "Mange-le avec ça. Le jus augmentera la saveur."
   Elle s’avança pour le manger dans sa main. Son souffle vacilla alors que sa langue écorchait la chair de ses doigts et lui envoyait une autre vague de désir différente de ce qu'il avait ressenti avant.
   Saints dieux…
   "Mmmm", souffla-t-elle. "Tu as raison. C'est délicieux. Comment tu le savais ?
   Il haussa les épaules. "J'ai passé beaucoup de temps dans la cuisine quand j'étais enfant.
   -Vraiment ? Ce n’est pas exactement l'endroit que j'imaginais pour un Andarion tiziran.
   Il but une gorgée et coupa plus de melon. "N'as-tu pas vu les photos de moi quand j'étais Prince Pesants ?
   Elle s'étouffa avec sa nourriture. "Excuse-moi ?
   -Oh allez. Tu ne vas pas blesser mes sentiments. Ce n’est pas comme si je pouvais le manquer. Les titres étaient dans tous les tabloïds et les flux d'information de l'univers. Tahrs baignoire-de-lard. Jouflu Jullien. Prince Jullidiot. Jullien le Fou. Et bien sûr, mon favori, Tahrs Junkie mange-de-tout Connard. Chaque fois que j'essayais de rester sobre, je cherchais refuge au fond d'un baril de pâte à gâteau. C'était le seul endroit sûr que j'avais dans tout le palais et où personne ne me gênait." Il lécha ses doigts.
   -Pardon.
   -Ne le sois pas. Les meilleurs souvenirs de ma vie étaient lorsque j’étais assis dans la cuisine avec notre cuisinière pendant qu'elle travaillait. Je sais qu'elle ne m'a pas vraiment aimé non plus, mais au moins elle n'était pas vraiment méchante avec moi.
   -Alors, comment sais-tu qu'elle ne t’aimait pas ?
   -L’ouïe des Andarions et je bougeais comme une ombre pour un gros garçon. J'ai entendu beaucoup de choses que personne ne savait. Mais au moins, Karna a cessé de me plaindre après un certain temps. Parfois, elle souriait presque quand j’entrais. Et au moins elle savait par la circonférence de mon abdomen que j'avais apprécié son travail acharné.
   Ushara lui offrit un autre morceau de jambon et cette fois, elle ne le retira pas.
   -Alors, qu'en est-il de toi ?" Demanda-t-il.
   -De moi ?
   -Qui t’as élevé ?
   Elle essaya de ne pas réagir à quelque chose qu'il ne devrait vraiment pas demander. Le fait est qu'il était sincère avec cette question qui en disait long de son monde.
   -Mes parents. Ils sont Tavali, donc j'ai été élevé ici. "Elle prit un verre de jus. "Ils sont tous les deux toujours en vie et mon père continue de faire quelques courses, mais pas trop. En fait, c'est là que Vasili est ce matin. Il a passé la nuit dernière avec eux après notre arrivée à la maison. Et il sera avec eux toute la journée. Nous ne le laisserons pas sortir seul dans les jours à venir.
   -Vraiment ?" Sa voix était remplie d'incrédulité. "Il les aime"
   -La plupart des êtres aiment leurs grands-parents, Jullien.
   -Eux aussi ?
   Elle se moqua de son ton vraiment choqué. "Oui. Je te le promets.
   Mais l'expression sur son visage disait que dans son esprit il ne comprenait pas vraiment le concept de tout ça. Quelle tragédie pour lui.
   Il s’essuya ses mains. "As-tu des frères et sœurs ?
   -Un grand nombre. Trois frères et quatre sœurs.
   Ses yeux s'élargirent.
   -Et accroche-toi... nous nous aimons. On s’apprécie, la plupart du temps. En fait, nous vivons dans un groupe tous ensemble, dans des maisons proches à pieds les unes des autres. Deux de mes frères étaient même à bord du vaisseau qui t’as amené ici. Le grand géant qui fronçait les sourcils à la porte du bar quand je suis entré pour chercher Vasili ? C'était mon frère Axl.
   -Je n'ai pas la capacité de comprendre tout ce que tu viens de me dire. Il me sembles que tu parlais en Universel, mais vraiment, tout ce que j'ai entendu c’était bleh, blar, blurr, blah, blar, blar.
   Elle rit de son baragouinage. "C'est vrai.
    -Je crois que je te crois. Bien sûr, je crois toujours en St. Daner qui utilise une paire de bottes magiques pour apporter des cadeaux aux enfants à Gal Day, aussi. Alors, quoi de neuf ?" Le rire mourut dans ses yeux alors qu'il la regardait et que son regard s’affinait et se braquait sur quelqu'un derrière elle.
   Elle se retourna pour voir ce qui avait attiré son attention. Merde … En parlant de sa famille. Son cousin Lev se dirigeait vers eux avec son équipage. Ils devaient simplement revenir de leur dernière course. Et il ne paraissait pas particulièrement heureux.
   Avec ses pouces dans son holster, Lev s'arrêta à côté d'elle et regarda Jullien avec suspicion.
  "Kyzu", dit-il en saluant. "Je ne m'attendais pas à te voir ici… Avec un nouveau… serviteur."
   Jullien se recula sur son siège. Il semblait détendu, mais Ushara le reconnaissait pour ce qu'il était. Il dégageait un angle de tir vers son cousin s'il en avait besoin, sous la table.

   "Dagger", dit-elle rapidement, "Puis-je te présenter mon kyzi Lev."
   Les yeux de Jullien se remplirent de déception alors qu’il ressortait sa main pour la reposer sur la table, lui faisant savoir que son doigt était sur la gâchette. Il lui fit un sourire irrité.
   -Ravi de vous rencontrer. 
   -Tu me sembles familier. Est-ce que je te connais ?
   Jullien haussa les épaules. "J'ai un visage assez commun.
   -Lev… " Ushara attira son attention sur elle. "Y a-t-il quelque chose dont tu as besoin ?
   Avant qu'il puisse répondre, l’interface d’Ushara se déclencha. Elle vérifia l’appel et jura.
   -Pardon. Je dois le prendre. "En sortant de l’alcôve, elle se dirigea vers une pièce privée.

   Jullien ne bougea pas alors que le grand Andarion Fyreblood le bloquait. Parce que Jullien n'avait pas encore exposé ses crocs ou qu'il s'était levé et qu'il avait enlevé ses lunettes de soleil en parlant à Ushara, Lev pensait qu'il se tenait face à un humain et tentait de l'intimider. Idiot.
   -Sais-tu qui elle est, schânkefrel ?
   -Je le sais.
   Deux autres Fyrebloods se déplacèrent pour encadrer Lev, tandis qu'il regardait Jullien. "Nous n'aimons pas les étrangers ici. Personne n’empiète sur nos femelles. Tu ne toucheras pas une Andarion, schânkefrel. Ils sont hors d’atteinte pour des gens comme toi. Compris ?
   -Je suis familier avec la culture.
   Tous les trois reculèrent alors qu’Ushara revenait. En soupirant, elle finit rapidement son verre.
   -Désolé, ils ont besoin de moi dans mon bureau. Je dois y aller.
   Jullien inclina la tête vers elle.
   "Bien. Merci pour la conversation ce matin. Et pour les cadeaux. 

   Ses traits s’adoucirent. "Bonne chance pour aujourd'hui. Essais de te faire des amis." Puis, pour son plus grand choc, elle se pencha et lui baisa la joue. En se retournant, elle regarda son cousin et son équipage. "Sois gentil.
   Mais aussitôt qu'elle fut partie, ils se retournèrent pour l'incendier du regard.
   Jullien lâcha un soupir las.
   "Est-ce que je dois vraiment vous botter le cul dès mon premier jour ici ?

   -Lev", déclara la propriétaire en avertissement. "Pas de bagarres dans mon restaurant.
   -Ne t'inquiète pas, Petya. Je n'ai pas besoin d'enseigner une leçon à ce morceau de déchets humain."
   -C’est le moment de ta branlée." Dit Jullien en se levant lentement. "Dernière chance de sortir de là seul." Lev hésita alors qu'il se rendait compte que Jullien était plus grand qu'il ne l'avait supposé. Et plus large.
   Pour une raison quelconque, personne ne semblait apprécier sa taille. Il n'avait jamais compris pourquoi. Il dominait la plupart des êtres et pourtant ils ne semblaient pas comprendre ce fait jusqu'à ce qu'il soit trop tard.
   Comme maintenant.
   Refusant de reculer et de perdre la face devant son équipage, Lev chercha son arme.
   Dans un mouvement fluide, Jullien l’attrapa par le plexus solaire, ce qui l'empêcha de tirer. Puis il le frappa dans la gorge. Le tenant toujours, il le retourna et poussa Lev dans l’alcôve avant de faire face au prochain.
   Jullien le frappa et l’attrapa rapidement, le faisant tomber sur le sol. Quand il s’avança vers le troisième, celui-ci recula judicieusement et tendit ses mains.
   -Je n'ai aucun problème avec toi, mon frère.
   Jullien regarda autour de lui pour s'assurer qu'il n'y avait pas d'autres menaces.
   Misha et Petya le regardèrent fixement.
   -Vous avez dit que vous ne vouliez pas de désordre ici.
   Petya inclina la tête vers lui. "J’apprécierais.
   Jullien sortit son portefeuille et laissa la moitié de son argent, en espérant que le pourboire couvrirait de dérangement. En se tenant éloigné du troisième équipier, il sortit du restaurant et espéra qu'il ne venait seulement pas de signer son propre mandat de mort avec cet éclat.
   S'il l'avait fait…
   Sa grand-mère célébrerait son cadavre ce soir.

  
   Alors qu'il se dirigeait vers son nouveau travail, il aperçut son reflet dans les vitrines et grimaça.
   Pas étonnant qu'ils l'aient attaqué. Il ressemblait à la pire espèce de chien vagabond. Ouais, il était propre. Mais déguenillé. Des vêtements amples. De seconde main, un manteau coloré qui avait été rapiécé et réparé au point qu’il avait l'air d'être coincé sur un baril enflammé avec une bouteille de Hooch quelque part près d'une usine abandonnée. Des bottes qui étaient retenues avec des rubans électriques. Il regarda ses mains brisées et ses griffes déchirées. 
   Tu es dégoûtant !
Une honte pour toute la lignée de eton Anatole ! Pas étonnant que ta mère ne sorte pas de sa chambre. Qui peut lui en vouloir ? Je ne voudrais pas dessoûler si je devais faire face à un fils comme toi !

   Ça ne l’aurait pas autant brûlé si ça n’avait pas été la vérité. Repoussant les critiques sévères de sa tante, il releva le col de son manteau déchiré et se dirigea vers le hangar pour travailler.

   Quand il entra dans le bureau, il vit le sourire de dégoût de l’employée, jusqu'à ce qu'elle se concentre sur son visage. Alors son regard se fit un peu plus accueillant. "Puis-je vous aider ?
   -Gunnar m'a dit de me présenter au travail ce matin.
   -Oh… Vous devez être Dagger. Attendez une minute. "Elle se leva et se rendit dans un autre bureau.
   Quand elle revint, elle était accompagnée d’un homme blond qui ralentit sa marche alors qu'il se concentrait sur l’apparence de Jullien. Il le scruta d’un regard calculateur, des pointes étirées des bottes de Jullien au sommet de sa tête. "On m'a dit de vraiment m’assurer que je vous donnerais une présentation complète de la façon dont nous faisons les choses. Gunnar a dit que vous connaissiez les vaisseaux ?
   -C’est le cas.
   -Qu’est-ce que tu sais sur les Tavali ?
   -Les informations générales. Rien de spécial.
   -Si tu veux bien me suivre… Je vais te montrer où tu peux enfiler ton vêtement de travail et ranger ton équipement.
   Jullien le suivit au fond. Alors qu’il commençait à retirer son blaster, un mauvais pressentiment le traversa. Franchement ? Il préférerait renoncer à un testicule qu’à son arme. Il pouvait vivre sans testicules.
   Sans armes…
   Tu es paranoïaque.
   "Vous ne pouvez pas travailler sur l’aire de chargement en étant armé. C'est contre toutes les réglementations.
   Ouais, c'était bien ce qu'il pensait. Pourtant…
   Jullien plaça son holster et ses armes dans le casier et suivit son manager dans le hangar.
   -Vous êtes l’officier de pont ?
   -Ouais. Et permets-moi de te donner un rapide tutoriel sur la culture Tavalienne et la façon dont les choses fonctionnent ici. Regarde ça…" Il désigna sa manche où les Tavali portaient leurs drapeaux nationaux, leurs Blason et leurs rangs individuels. "Cela désigne la Nation pour laquelle nous volons. Le drapeau noir avec le crâne hurlant est pour le Vrai Drapeau Noir de la Nation, Gorturnum. C'est nous. Nous étions la première des Nations Tavali jamais créé. L’écusson en dessous est mon Blason personnel, puis mon rang. Ces trois choses signifient que je suis un citoyen Tavali qui a des droits dans cette nation. Je note que tu n'as aucun Blason, drapeau ou rang.
   -Ouais. Je sais.
   -Non, je ne pense pas que tu le saches. Tu vois, ce que cette manche blanche sur ton bras signifie, c'est que tu es un déchet. Sans rang ni citoyenneté. Tu n’es même pas un mâle. Donc, tu ne parles pas aux Tavalis à moins que nous te parlions. Tu ne comptes pas dans notre monde, et tu n’existes pas. Tu es un fantôme ici sans voix ni droit.
   Jullien se figea alors qu'il voyait un groupe de Tavalis se déplacer pour former un cercle autour de lui.
   -Tu ne dois bien sûr pas manger avec l’un de nos amiraux alors que tu occupes ce rang. Tu ne regardes même pas nos femelles.
   -Ouais", déclara un Tavali derrière lui. "Et bien sûr tu n’attaques pas un commandant, déchets. Lorsque tu t’attaques à l’un de nous. Tu nous attaques tous. C'est ce que signifie Tavali.
   -Et tu n’es pas Tavali, chien.
   Jullien frémit silencieusement alors qu'il faisait mentalement les calculs dans sa tête. Ce n'est pas qu'il espérait. Un contre vingt…
   Ça ferait mal s’ils planifiaient de le faire à mains nues. Le fait qu'ils aient choisis des outils pour sa raclée…
   Merde.
   Il balaya le groupe du regard et leur sourit.
   "Eh bien, les garçons. Si je savais que vous me faisiez une fête de bienvenue, j'aurais apporté de la bière.

 


Notes de traduction :
minsid : mot Andarion signifiant "foutu".
Korilon : dieu Andarion des damnés. 
  


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Texte original © Sherrilyn Kenyon - 2016
Traduction © Dark-Hunter Francophone

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